La capsaïcine, un traitement innovant pour l’arthrose

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L’arthrose est la pathologie la plus fréquente en rhumatologie. Contrairement à l’ostéoporose et aux maladies inflammatoires, elle n’a pas bénéficié d’un profond bouleversement thérapeutique ces dernières années. L’arthrose tient une place très particulière dans l’imaginaire collectif. Considérée comme le premier signe du vieillissement, elle garde l’image d’une fatalité liée à l’âge, évoluant inexorablement vers un handicap fonctionnel et son cortège de douleurs et de limitation des activités. Ce fatalisme touche grand nombre de patients mais aussi beaucoup de médecins et est entretenu par le sentiment que la recherche ne progresse pas, ce qui est faux.

En effet on connaît de mieux en mieux les mécanismes qui aboutissent à la dégradation du cartilage, permettant ainsi d’imaginer les cibles thérapeutiques spécifiques. Actuellement un effort tout particulier est apporté dans le domaine du diagnostic précoce de l’arthrose tant par des moyens biologiques que d’imagerie. C’est en effet dans les stades précoces de l’arthrose qu’il est important de mettre en route le traitement si l’on veut avoir une chance d’interrompre le processus de destruction articulaire.

Existe-t-il des molécules en développement susceptibles de changer cette situation ou l’amélioration de la prise en charge de l’arthrose passe-t-elle seulement par un ensemble de petits moyens thérapeutiques ?

 

Compte tenu de la grande hétérogénéité de l’arthrose il n’y a pas un traitement stéréotypé de la maladie mais la prise en charge doit être individualisée et varier en fonction de l’évolution. Les objectifs thérapeutiques sont néanmoins toujours identiques : soulager la douleur, faire rétrocéder une éventuelle poussée congestive et enfin traiter la maladie, c’est-à-dire tenter de ralentir sa progression.

Compte tenu de la lente évolution de la maladie, l’accent sera toujours porté vers la tolérance à long terme des traitements, en insistant tout particulièrement sur les traitements locaux, qui exposent peu ou pas à des complications d’ordre général.

Le traitement orthopédique médical est essentiel et souvent négligé. Son but est de réduire les pressions supportées par l’articulation et de maintenir sa fonction. On peut aussi recourir à la rééducation destinée à maintenir une bonne fonction musculaire et articulaire, aux orthèses, et à la crénothérapie (cures thermales).

Un traitement médicamenteux à visée antalgique est presque toujours nécessaire. Lorsque les antalgiques sont insuffisants on peut recourir à l’utilisation des anti-inflammatoires (AINS) au plus ou moins long cours. Celle-ci est limitée par leur toxicité digestive et rénale, et les effets sur la pression artérielle.

Le traitement anti-arthrosique symptomatique d’action lente (AASAL) a pour but d’améliorer les symptômes de l’arthrose et de diminuer la prise d’antalgiques ou d’AINS. Parmi eux le sulfate de glucosamine, les chondroïtine sulfates, la diacérhéine et les insaponifiables d’avocat et de soja ont fait l’objet d’études sérieuses et contrôlées prouvant leur efficacité sur la douleur. Certains résultats expérimentaux, en particulier une étude Européenne sur le sulfate de glucosamine, permettent même d’espérer que certains d’entre eux possèdent le pouvoir de ralentir l’évolution de la maladie.

Les infiltrations de corticoïdes sont réservées au traitement des poussées congestives. Elles soulagent généralement bien la douleur en réduisant la congestion synoviale. Si leur efficacité est rapide elle est de courte durée (inférieure à 4 semaines).

La viscosupplémentation par injection intra-articulaire d’acide hyaluronique (AH) est fondée sur la constatation qu’au cours de l’arthrose le liquide synovial perd une partie de ses propriétés élastovisqueuses. Injecté par voie intra-articulaire, elle agirait d’une part, en restaurant les propriétés rhéologiques défectueuses (viscosité et élasticité) du liquide synovial, et d’autre part par un effet anti-inflammatoire et de relance d’un certain nombre de processus de synthèse qui sont diminués dans l’arthrose.

Les injections intra articulaires étant très difficilement réalisables dans les petites articulations, y a-t-il des possibilités de traitement locaux, en particulier en cas d’arthrose des mains et des pieds ?

L’arthrose des petites articulations répond bien aux topiques en particulier anti-inflammatoires en crème, en gel ou en dispositifs autocollants. Néanmoins leur efficacité est souvent bien insuffisante.

Depuis peu, on dispose d’un traitement innovant pour soulager l’arthrose : la capsaïcine.

 

La capsaïcine est un produit naturel extrait du piment rouge, du genre Capsicum, connu depuis des millénaires et utilisés par les indiens d’Amérique du sud. Elle possède un mode d’action sur la douleur original, très différent de celui des anti-inflammatoires. En effet la sensation de douleur est créée par la stimulation de récepteurs vanilloïdes (VR : vanilloid receptors, ou TRPV : transient receptor potential vanilloid). Ceux-ci sont présents à la surface des nerfs sensitifs, dans le cerveau et la moelle épinière. Ils sont activés par la chaleur, par l’acidité ainsi que par des métabolites en particulier par ceux résultant de l’action de la lipoxygénase, enzyme impliquée dans les phénomènes d’inflammation. La capsaïcine, en tant que membre de la famille vanilloïde se lie à un récepteur à travers la membrane appelée le récepteur vanilloïde sous-type 1 (VR1) et a une action biphasique : elle stimule au premier contact les récepteurs VR1 provoquant une douleur et ensuite par contact prolongé inhibe et désensibilise les récepteurs entraînant un effet analgésique. Une déplétion en substance P, médiateur essentiel de la douleur, est à l’origine de cet effet analgésique. De nombreuses études en double aveugle versus placebo ont démontré un effet bénéfique de la capsaïcine dans l’arthrose des membres et ce traitement est conseillé par les groupes d’experts Américains pour le traitement de l’arthrose. Il est donc logique de le conseiller en association avec les mesures habituelles du traitement de l’arthrose, en particulier lorsque celle-ci touche les petites et moyennes articulations.

Dr Thierry Conrozier – Rhumatologue